Ils veulent reconstruire le château de Saint-Cloud

2008-09-15 29

Une imposante rangée d'ifs en «U» surplombant le parc et, au-delà, la Seine... Voilà ce qui reste au visiteur du domaine national de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) pour se figurer l'espace occupé jadis par le château incendié lors du conflit franco-prussien en 1870. Construit à la fin du XVIIe siècle par le duc d'Anjou, frère de Louis XIV, le château royal de Saint-Cloud était un véritable « petit Versailles ». Ceux qui ont oeuvré à l'aménagement du site, l'architecte Jules Hardouin-Mansart, le peintre Pierre Mignard et le jardinier André Le Nôtre, ont également travaillé sur le « chantier » de Versailles. Les gravures et photographies de l'époque témoignent de la richesse de l'édifice. « Nous avons une connaissance parfaite du bâtiment et de son intérieur grâce aux nombreux écrits, plans et documents graphiques. La plus grande partie du mobilier a d'ailleurs échappé à l'incendie et est aujourd'hui dispersée au Louvre, à Versailles et même à l'Elysée », explique Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques en charge du domaine de Saint-Cloud.

L'emplacement originel est resté non bâti, les meubles ont été conservés et de très nombreux de documents détaillent l'édifice. « D'un point de vue scientifique, personne ne peut s'opposer à la reconstruction », assure l'expert. Un avis partagé par Laurent Bouvet qui a créé en 2006 l'association Reconstruisons Saint-Cloud ! « Cela n'a rien d'un projet farfelu, se défend ce Parisien passionné d'histoire. D'autres pays européens, notamment à l'est, ont franchi le pas en reconstruisant de magnifiques monuments. » C'est le cas en Allemagne, avec la résurrection récente de la Frauenkirche de Dresde et du château des rois de Prusse à Berlin, du château de Varsovie ou encore de l’abbaye du Mont- Cassin en Italie. En France, si le projet aboutissait, il s'agirait de la reconstruction la plus « imposante ».

Pour l'heure, le projet est à l'état embryonnaire, mais Laurent Bouvet a déjà une idée très précise de son financement – ou plutôt de son « autofinancement », rectifie-t-il. « Les travaux seraient entièrement financés par les entrées payantes des visiteurs comme cela se fait depuis quelques années pour la construction du château fort de Guédelon, dans l'Yonne. Le public pourrait ainsi découvrir les métiers et les savoir-faire de l'époque, suivre l'avancée du chantier, à quelques kilomètres seulement de la capitale », s'emporte Laurent Bouvet. Chez les restaurateurs installés dans le parc, l'idée séduit. « Les touristes viennent peu jusqu'ici alors que le parc est tout proche de Paris. Tout ce qui peut attirer les visiteurs m'intéresse », sourit ce gérant de restaurant qui préfère rester anonyme.

Pierre-André Lablaude, lui, se montre réservé sur le principe d'autofinancement. L'architecte pense néanmoins que l'idée aurait l'avantage d'attirer l'attention du public. « Le financement serait certainement mixte, notamment parce que le mécénat se développe beaucoup depuis quelques années. Le slogan"100% autofinancé" serait surtout un bon moyen d'accrocher l'opinion publique. »

Comment passe-t-on d'un projet uniquement soutenu par une association à un début du chantier? « C'est une mayonnaise qui prend quand l'idée est dans l'air du temps, résume l'architecte. Si la population s'y intéresse, les élus suivent et les décisions aussi. » Dans ses rêves les plus fous, Laurent Bouvet imagine la pose de la première pierre du château... dans moins de dix ans.