En juillet 1938, seize mois après son retour de Majorque, trois mois après la publication des Grands cimetières sous la lune, Georges Bernanos reprend la route de l’exil avec sa femme et ses six enfants. Il est écœuré par le désastre qu’il sent venir et décide de s’installer au Brésil, dans l’état du Minas Gerais, pour y devenir éleveur.
C’est là que le jeune Michel, quatrième fils né en 1923, passe une partie de sa jeunesse, de 17 à 19 ans, dans ce sertão dominé par ceux que l’on appelait alors les « colonels », des grands propriétaires terriens qui entretenaient une petite armée privée de bandits à large chapeaux et faisaient la loi chez eux.
Le jeune homme apprend à tirer à la carabine, chevauche sans selle ni éperons, se spécialise dans le débourrage des poulains. C’est la grande vie ! Ces souvenirs le hanteront jusqu’à la fin de sa vie. Cette existence sauvage cesse pourtant en septembre 1942, lorsque le jeune homme s’engage dans les Forces Navales Françaises Libres.
Mais à peine démobilisé, en mars 1946, âgé de 23 ans, il retourne au Brésil, trouve un emploi à Manaus dans l’exploitation des hévéas destinés à l’extraction de caoutchouc.
Il emmagasine alors les images, les odeurs, l’ambiance, l’inhumanité abjecte de « l’enfer vert », cette forêt amazonienne exubérante et hostile qui le fascine, labyrinthe cauchemardesque de pourriture et de mort dont il fera dans ses livres une image de l’enfer tout court.
En 1960, alors qu’il est installé à Paris depuis 10 ans, Michel Bernanos est pris d’une fringale d’écriture : en quatre ans, il écrit toute son œuvre dans une sorte d’urgence dont lui seul connaît la cause.
Joyeux camarade côté pile, l’homme était en effet rongé côté face par l’angoisse, le désespoir et la solitude.
Le 27 juillet 1964, il quittait son domicile et se rendait dans la forêt de Fontainebleau où il mit fin à ses jours. Il avait 41 ans et quelques jours avant était paru son premier livre sous le nom de Michel Drowin : Le Murmure des dieux.
Cette œuvre bâtie en quelques mois sous pseudonyme et publiée en grande partie après sa mort (Michel Bernanos a toujours refusé de publier sous le nom qu’il partageait avec son père, par peur, disait-il, « d’escroquer le lecteur »), cette œuvre donc comporte quelques romans policiers parus au Fleuve Noir, ainsi qu’un cycle fantastique constitué de trois romans, Le Murmure des Dieux déjà cité, L’Envers de l’éperon et La Montagne morte de la vie, et d’une nouvelle (« Ils ont déchiré son image ») que les éditions de l’Arbre vengeur ont entrepris de rééditer à la fin des années 2010.
Dans cette tétralogie qu’il nous laisse, le roman le plus étrange est sans conteste La Montagne morte de la vie. C’est une météorite, un livre sorti de nulle part, un objet littéraire non identifié.
Il raconte l’errance de deux naufragés sur une île minérale et végétale constellée de statues, sans vie animale, où les arbres se courbent tous les soirs, où les lianes rampent comme des serpents, où les fleurs sont carnivo