« J’ai pris de la lessive, des cordons-bleus… Mehdi a pris du shampoing ». Dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, des émeutiers affichent fièrement leur butin, amassé lors d’une mise à sac de magasins. En marge des émeutes déclenchées par la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier, des bandes se rassemblent pour dévaliser centres commerciaux et magasins. Au-delà des boutiques de vêtements, des bijouteries ou des magasins Appel, les commerces alimentaires sont notamment pris pour cible. « Il y a un intérêt pour les produits alimentaires de base », commente Thomas Sauvadet, spécialiste des violences urbaines et des phénomènes de bande, en visionnant une vidéo montrant des tables débordant de victuailles provenant d’un magasin vandalisé, selon son autrice. D’après le sociologue, « quand on voit cette dame qui se réjouit d’avoir de la mayonnaise et du ketchup » on peut penser qu’il y a aussi « une question de précarité » qui entre en jeu dans ces pillages. « Les uber job, le chômage… Il y a beaucoup de familles primo-arrivantes, de familles nombreuses, qui sont dans une situation économique très difficile », explique-t-il. Mais la pauvreté « n’explique pas tout ». « Il y a de la colère mais aussi pour ces adolescents, une forme d’excitation d’être dans une sorte de défouloir collectif », développe Thomas Sauvadet. « Une fois qu’il y a une brèche, une ouverture, une opportunité : n’importe qui prend n’importe quoi ». Ces exactions, commises « par une minorité de jeunes » tranchent avec les émeutes de 2005, qui ont suivi la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré. Elles sont aujourd’hui plus « organisées », relève le sociologue en prenant l’exemple des disqueuses utilisées pour ouvrir des distributeurs, des camions béliers pour défoncer des grilles de sécurité ou encore des centres commerciaux mis à sac.