A un peu plus d’un mois de l’échéance présidentielle, le regard des Français est tourné vers l’Ukraine. Est-ce qu’on vote différemment quand on a peur ? « Certainement, l’émotion est à son comble, répond Pascal Perrineau, politologue et professeur émérite à Sciences Po. Mais elle était déjà là avant. Plusieurs phénomènes sont en train de se rejoindre. Il y a le fait que, dans une déstructuration des idéologies de référence, l’émotion, le sentiment, l’affect, devient un repère. Tout cela était déjà très activé par la crise économique et sociale et la crise sanitaire (…) Il y a un phénomène de rassemblement « autour du drapeau » et de celui qui le porte, le chef de l’Etat, et on le voit dans les sondages d’opinion. C’est le reflet d’une opinion inquiète qui se met à l’abri d’une figure vaguement tutélaire. »
Mais si les électeurs ont la tête ailleurs, doit-on redouter une abstention élevée ? Ou, au contraire, la gravité des évènements peut-elle favoriser la participation ? « C’est une question difficile, analyse notre invité. Aujourd’hui, la tendance est plutôt à une abstention plus élevée que d’habitude, peut-être autour de 30%, voire 35% selon certains. Mais il y a bien sûr la dimension de guerre à prendre en compte et la tentation, peut-être, de certains Français à se dire qu’il faut voter car c’est un signe d’appartenance à une communauté nationale qui, comme toutes les communautés nationales de l’Union européenne, est aujourd’hui menacée. »
Et alors que toute l’attention est tournée vers l’Ukraine, la campagne électorale est quasi-inexistante. « Il n’y a pas vraiment de campagne, confirme Pascal Perrineau, ce qui posera peut-être des problèmes à terme. On sait que les Français attendent ce grand moment pour mettre à plat les projets, pour les confronter, pour faire leur marché politique. Et là les conditions ne sont absolument pas réunies. On a vu que le Président, dans sa lettre aux Français, annoncent de vagues axes mais qu’il n’y a pas le début de l’ombre d’un programme (…) On peut se diriger vers une élection sans véritable campagne, sans véritable affrontement de projets mais, également, le sentiment d’être passé à côté d’un grand rendez-vous démocratique qui pourrait déboucher sur des problèmes de légitimité. »
Une situation dont compte profiter Emmanuel Macron mais qui, pour Pascal Perrineau, pourrait finir par lui porter préjudice: « Il doit faire attention. On comprend très bien qu’un Président au charbon ne puisse pas consacrer un temps fou à la campagne mais il doit faire le minimum. Et le minimum, dans un pays aussi égalitaire, c’est la confrontation avec les autres candidats (…) Il faut, à un moment ou un autre, des rencontres avec les autres candidats car, sinon, certains Français vont être exaspérés par ce côté d’extra territorialité donné à un candidat parmi d’autres. Et on n’a pas besoin d’un problème de légitimité ! »
Depuis le déclenchement du conflit en Ukraine, Eric Zemmour décroche dans les sondages. Et pour notre inv