Stéphane Degout interprète, avec l'Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Barbara Hannigan, les Histoires naturelles de Maurice Ravel, recueil de cinq mélodies orchestré par Anthony Girard.
Le paon
Le grillon
Le cygne
Le martin-pêcheur
La pintade
Les yeux charmés par un plumage ou les oreilles enchantées par un ramage, devinant, sous les traits de la bête, les qualités et les petits défauts de l’espèce humaine au point de révéler la bestialité de l’homme sous le couvert de quelques fantaisies animalières, le musicien ne s’est jamais lassé d’emprunter au monde secret de ses étranges colocataires, partageant avec lui le grand appartement terrestre. D’où un répertoire instrumental très volatile : les poules gloussent ou caquettent chez Rameau et Haydn, la pie jacasse chez Rossini, les poussins dansent dans leur coque chez Moussorgski. Partout les coucous coucouent et les rossignols rossignolent. Mais il y a aussi le paon qui braille, le cygne qui trompète et la pintade qui cacabe dans les Histoires naturelles de Ravel.
Au commencement sont les brefs textes de Jules Renard. Dans son journal, l’écrivain explique : « Buffon a décrit les animaux pour faire plaisir aux hommes. Moi, je voudrais être agréable aux animaux mêmes. Je voudrais, s’ils pouvaient lire mes petites Histoires naturelles, que cela les fît sourire. » Si son regard naturaliste se teinte d’un humanisme plein de tendresse, l’écrivain paraît toutefois indifférent à l’idée qu’on puisse mettre en musique sa prose. Peut-être parce qu’il regrette de ne pas avoir été directement prévenu, et que le compositeur n’ait sélectionné que quelques extraits de son ouvrage. Toujours est-il qu’il ne se déplacera pas pour la création. Dans son journal encore, il raconte que Ravel lui aurait dit « Je pense et je sens en musique et je voudrais penser et sentir les mêmes choses que vous. » Mais ce qu’il ne comprend pas alors, c’est ce que les notes peuvent bien ajouter à ses mots.
La création des Histoires naturelles a donné lieu à un beau scandale. Selon le critique de la Revue musicale, l’ouvrage a été accueilli par des explosions de rire. Debussy lui-même trouve Ravel doué, mais il lui reproche les facilités et les tours du prestidigitateur. Quant à Fauré, il n’aime pas « qu’on mette en musique des choses comme ça ». Une sottise qui coûtera à Ravel la poursuite de sa collaboration avec la Société nationale. Seul Pierre Lalo peut-être, sévère également, saisit l’origine de l’incompréhension.
Quand Chabrier mettait en musique des dindons ou des cochons roses, explique-t-il, il le faisait avec humour, alors que Ravel jamais ne tombe dans la parodie. Le sujet que la littérature accepte n’est pas encore bien reçu par la musique, et Ravel en plus attaque les principes de la prosodie, tronquant les « e » muets en dépit des usages de la mélodie. Lorsqu’il s’amuse à répéter « Léon » dans le Paon, les Dyndistes se sentent agressés. De même quand le Cygne abandonne sa noble allure et ses a