"En dirigeable sur les champs de bataille", film positif 35 mm, opérateurs Lucien Le Saint et Camille Sauvageot, août 1919.
Conservé par le Musée Albert-Kahn et restauré par le CNC en 2014, le film "En dirigeable sur les champs de bataille", tourné en 1919, témoigne de l'étendue des destructions sur le front ouest, de la Mer du Nord à Reims.
Vues du ciel, les ruines du champ de bataille
En 1919, Albert Kahn produit le film "En dirigeable sur les champs de bataille" en partenariat avec le Centre d’Action et de Propagande contre l’Ennemi afin de témoigner des dévastations après la fin des combats. Au-delà du témoignage pour l’histoire, cet exceptionnel inventaire « vu du ciel » a également été réalisé pour convaincre l’opinion internationale de la pleine et entière responsabilité de l’Allemagne dans le déclenchement du conflit et évaluer les indemnités qu’elle sera condamnée à verser.
La présence d’intertitres bilingues français –allemand dans la copie conservée à l’ECPAD (Etablissement de communication et de production audiovisuel de la Défense) laisse à penser que le film a été présenté à un public germanophone dans cette perspective.
Ce sont les opérateurs Camille Sauvageot et Lucien Le Saint qui sont chargés de réaliser ce film. Ils seront recrutés peu après aux Archives de la planète mais pour l’heure, après avoir passé la guerre à la Section Cinématographique de l’Armée où Le Saint s’est notamment illustré pour ses prises de vues aériennes, ils attendent leur démobilisation au Centre de Propagande et d’Action contre l’Ennemi. Entre août et septembre 1919 la marine française met à leur disposition deux dirigeables basés à Saint-Cyr-l’Ecole, grâce auxquels ils entreprennent ainsi le survol d’un territoire qui s’étend de la mer du Nord jusqu’à l’Alsace. Ils passent par certaines villes belges et ou françaises tels Nieuport, Ypres, Arras, Noyon ou Reims et enregistrent des vues qui montrent la quasi-totalité du front occidental.
Le résultat est une cartographie unique des traces d’anéantissement causées par la guerre moderne, une cicatrice du conflit inscrite dans le sol. Dans cette vaste étendue mélancolique, dans ce paysage lunaire vide de combattant, rien ne subsiste, hormis des ruines, des trous d’obus et les sillons stériles des tranchées. Il faut songer que pour les contemporains une telle vision, dévoilant en quelque sorte un immense cimetière, provoque un choc émotionnel. Le saisissement du spectateur, déjà éprouvé par la violence du sujet, est alors renforcé par la qualité du spectacle qui lui est offert. Le travelling aérien est né et les plans réalisés avec des caméras embarquées dans les aéronefs représentent une véritable prouesse technique sur le plan cinématographique.
En 1978 le Musée Albert Kahn a confié la conservation des films des Archives de la planète au Centre national du cinéma qui a restauré cette pépite en 2014.