Emeutes en Tunisie : «C'est le cri de personnes dans la misère»

2021-01-21 54

« Les jeunes que vous voyez ici sont délaissés et n’ont pas de quoi manger chez eux. Ils rentrent chez et n’ont rien à manger. Les gens sont au chômage, il n’y a pas de salaires, il n’y a pas d’argent, où est l’argent ? On nous fait de fausses promesses. Les hommes politiques nous disent qu’ils vont nous faire travailler, ils nous font taire avec des paroles ». Comme cet habitant du quartier populaire d’Ettadhamen, près de la capitale Tunis, de nombreux Tunisiens, dont beaucoup de jeunes, sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère et leur lassitude ces derniers jours alors que le pays fait face à une crise économique, sanitaire et politique.
« Ça arrive dans un contexte de crise économique qui est ancienne, avec des taux de chômage qui explosent. Vous avez le Covid-19 qui crée encore plus de frustrations et de privations », explique Aude-Annabelle Canesse, conseillère en politiques publiques auprès d’organisations internationales et autrice de « Les politiques de développement en Tunisie », publié en 2014 « Des supérettes et des distributeurs de billets ont été attaqués, et donc on s’aperçoit que c’est le cri de personnes dans la misère », soutient Aude-Annabelle Canesse.. Dès la fin de la semaine dernière, marquée, le 14 janvier, par les dix ans du début de la révolution tunisienne, des manifestations avaient débuté dans plusieurs villes du pays. En début de semaine, la police, puis l’armée en renfort, ont été déployées en nombre dans des dizaines de localités pour faire face aux protestations nocturnes. Au total, plus de 600 personnes ont été interpellées.
Depuis mardi, les manifestants continuent de se rassembler malgré les restrictions sanitaires. « Je suis venue aujourd’hui car 10 ans après la révolution, je n’ai pas le sentiment qu’il y a des choses qui sont en train de changer. Au contraire il y a un sentiment de déception profond avec en plus la pandémie, la pauvreté, le chômage et la situation que nous sommes en train de vivre en tant que jeunes » explique Donia, étudiante à Tunis. Selon des chiffres de l’Institut national de la statistique tunisien, le taux de chômage au dernier trimestre de 2020 était de 16%.