À l’affiche d’“Effacer l’historique”, le dernier film de Gustave Kervern et Benoît Delépine en salles mercredi 26 août, la comédienne nous parle de son historique de navigation, mais aussi de vidéos d’ours, des relations longues distances, du compte Twitter de Donald Trump ou de l’égo surf...
Entretien : Basile Lemaire
Réalisation : François-Xavier Richard
Critique du film "Effacer l'historique"
Trois Gilets jaunes s’allient contre les géants du Net qui empoisonnent leur quotidien. Une comédie hilarante et désespérée sur l’absurdité de la société.
Dans I Feel Good, l’antipathique et savoureux crétin joué par Jean Dujardin se rêvait en Bill Gates des Pyrénées-Atlantiques. Deux ans plus tard, les antihéros d’Effacer l’historique nagent en plein cauchemar à cause des Gafa, ces géants de l’économie numérique régissant nos vies connectées depuis leurs forteresses californiennes. Après une nuit d’ivresse au bien nommé bar Badaboum, voilà Marie (Blanche Gardin) victime d’un chantage à la sextape (« Il faut que je paie mes études de commerce », se justifie le saligaud incarné par Vincent Lacoste). Tout surendetté qu’il est, Bertrand (Denis Podalydès), lui, ne peut rien refuser à une voix suave de démarcheuse téléphonique, au point de s’éprendre à distance de cette Miranda qui vend des vérandas. Quant à Christine (Corinne Masiero), chauffeuse VTC chez Hollywood VIP Star Car, elle encaisse jour après jour les mauvaises notes de ses clients sans savoir pourquoi.
Pourquoi ? Mais parce que le monde marche sur la tête, répondent avec brio Benoît Delépine et Gustave Kervern dans ce neuvième long métrage, couronné par un Ours d’argent à Berlin. Les comédies les plus désespérées sont les plus belles, aussi précipitent-ils leurs trois pots de terre, déjà bien fêlés, contre un pot de fer en face duquel même Dieu semble impuissant — Dieu, ici, étant un hacker de génie (Bouli Lanners) qui opère depuis le cœur d’une éolienne. Logique, quand on veut combattre des moulins à vent.
D’un banal lotissement de la périphérie d’Arras à la Silicon Valley, Delépine et Kervern mettent en scène une guerre perdue d’avance. Qu’importe. Leurs nouvelles recrues — Blanche Gardin en tête, tellement parfaite dans leur univers — partent la fleur au fusil et l’amitié en bandoulière. Née sur un rond-point, la réconfortante solidarité du trio de Gilets jaunes adoucit un quotidien kafkaïen où une latte de lit, commandée en Chine, se retrouve bloquée au canal de Suez, tandis qu’un bureau de poste déménage à 50 kilomètres de ses usagers suspendus au prix du gasoil.
Forts de trouvailles hilarantes (« J’ai été obligé d’acheter un antivirus gratuit à 14 € par mois »), les auteurs du Grand Soir racontent les insomnies d’humains dépassés mais pas obsolètes. La coquetterie punk du film, le grain malpoli de sa pellicule super-16, ses angles volontairement tordus, ses provocations — le smartphone de Bertrand, taché de sperme, qui reste collé à sa joue, clin d’œil à Mary à tout prix, des frères