C'est un courrier du 7 décembre 2009, adressé par les laboratoires Servier à Philippe Lechat, directeur de l'évaluation des produits pharmaceutiques au sein de l'Agence nationale du médicament, de 2007 à 2012, et à son homologue portugaise, Cristina Sampaio. Dans cette lettre de huit pages, rédigée en anglais, que « Le Point » a pu consulter, deux cadres du groupe pharmaceutique (Mathieu Weitbruch et Patricia Maillère) tentent de convaincre leurs interlocuteurs, alors chargés d'une enquête européenne sur le Mediator, de l'efficacité de ce produit dans le traitement du diabète, alors même que ce dérivé d'amphétamine vient d'être retiré de la vente sur le marché français, en raison de sa dangerosité. En cette année 2009, le Portugal a été chargé par l'autorité européenne responsable de la surveillance des produits de santé (l'EMA) d'examiner la possibilité d'interdire le Mediator à l'échelle du continent. La direction du groupe Servier a beau pointer le fait que le Mediator représente alors une part infime de son chiffre d'affaires, elle tente, une dernière fois, d'éviter que ce produit dont elle a écoulé plus de 110 millions de boîtes, entre 1976 et 2009, soit interdit. Mis en vente au prix de 5 euros, la boîte, le Mediator a bénéficié d'un taux de remboursement de 65 % de 1976 à 2009. Et jusqu'à 100 % lorsqu'il était prescrit à des diabétiques. « Ce n'était pourtant pas un antidiabétique mais seulement un anorexigène », pointe le cardiologue marseillais Georges Chiche, qui a, le premier, signalé les dégâts causés par la métabolisation de son principe actif sur les valves cardiaques, notamment. Les caisses primaires d'assurance maladie ne sont pas les seules à demander aujourd'hui des comptes au groupe Servier. « Des dizaines de mutuelles ont également remboursé ce prétendu médicament au titre du régime complémentaire », expose Hélène Lecat, l'avocate de six mutuelles du Groupe VYV.