Gérard Araud : « Les électeurs de Trump, ce sont les Gilets jaunes en France »

2020-02-06 2

Obama et Trump, en réalité, lorsqu'on regarde leur politique étrangère, on se rend compte qu'ils ne sont pas si éloignés que ça. L'un et l'autre ont compris la lassitude de l'opinion publique américaine pour les engagements internationaux. L'un et l'autre ont réagi finalement de manière assez comparable, de l'Ukraine, à la Syrie, à la Libye. Et ils ont compris que les américains ne veulent plus être les gendarmes du monde.

Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis.

Pour comprendre Trump, je vais être un peu paradoxal, je vais vous demander d'abord d'oublier Trump. Parce que sa personnalité est à ce point envahissante qu'on ne pense qu'à ses fantaisies alors qu'en réalité Donald Trump, ce n'est que le symptôme. Le symptôme de la crise économique, politique que traverse les États-Unis. Une crise d'ailleurs que traverse toutes les démocraties occidentales. Parce que les électeurs de Trump, ce sont les électeurs qui ont voté pour le Brexit, ce sont les Gilets jaunes en France, ou ce sont qui votent pour la Lega en Italie. Donc les sociétés américaines traversent une crise profonde et que Trump s'en aille en 2021 ou 2025, cette crise restera là et les Républicains et les Démocrates de l'époque devront y faire face, chacun à sa manière.

Quelle peut être l'évolution du paysage politique américain après Trump ?

Le trumpisme ne mourra pas avec Trump du côté républicain. Ceux-ci ont découvert que les américains attendaient par exemple du protectionnisme. Le protectionnisme restera avec nous. Et c'est nouveau parce que les Républicains c'était le parti du libre échange. Les Républicains ont aussi découvert que le déficit budgétaire finalement, ce n'est pas grave. Sous Trump, le déficit budgétaire, en pleine croissance, est passé à 5,5% du PNB, on ne reviendra pas à l'austérité budgétaire. Et les démocrates, de leur côté, s'ils veulent reprendre le pouvoir, devront aussi essayer de récupérer les électeurs du midwest désindustrialisé, qui ont voté, dans le Wisconsin, dans le Michigan et en Pennsylvanie, pour Trump. Après avoir voté pour Obama parce qu'ils veulent le changement. Donc les Démocrates aussi devront imaginer une nouvelle politique. Nous allons sortir de la synthèse centriste de Clinton et d'Obama.

Pourquoi y-a-t-il une continuité entre Obama et Trump ?

Les deux hommes, si différents soient-ils, ont compris la lassitude du peuple américain pour les engagements internationaux, les États-Unis ne veulent plus être les gendarmes du monde. Ils ne le seront plus, et donc pour nous européens, et bien c'est à nous de nous occuper de notre environnement. Ce ne sont pas les États-Unis, ce sont les européens qui doivent traiter les crises ukrainiennes, syriennes et libyennes. Un monde nouveau, avec des États-Unis toujours aussi puissants et qui le resteront pendant des décennies, mais des États-Unis qui vont plutôt regarder leurs propres problèmes, plutôt que de venir au secours de leurs alliés. Des États-Unis plus nationalistes, et moin