Le Prado t’a demandé, ensuite, d’aller à Madrid... Pourquoi et comment ?
Après treize années au Noviciat de Saint-Fons, je croyais avoir terminé pour moi, le service de la formation pradosienne. Un nouvel appel est venu de l’Espagne. Le Prado d’Espagne commençait à s’organiser de manière autonome. En 1968, le Conseil du Prado d’Espagne décida de créer une année de formation pradosienne à Madrid, dès la rentrée de septembre. Je connaissais les pradosiens espagnols. Quelques-uns d’entre eux, dont Antonio Bravo, avaient fait leur formation pradosienne à Saint-Fons (1965/66 - 1966/67). C’est sans doute ce qui a incliné le Conseil Général du Prado à me demander d’assurer la responsabilité de cette « année ». Aucun pradosien espagnol n’était alors disponible pour cela. J’irais donc à Madrid pour une période de trois ans. Je serais secondé par Antonio Bravo qui, au bout de trois ans, me succéderait.
Pourquoi ai-je accepté ?
Précédemment (en 1964 et 65, me semble-t-il) le Prado d’Espagne m’avait invité à participer à un « mois d’initiation » à la spiritualité du Père Chevrier. L’Espagne m’a tout de suite séduit, en l’occurrence Avila et la Castille. Qu’est-ce qui me séduisait ? Le pays, les gens, leur dignité, la vitalité de l’Eglise en dépit du poids du régime franquiste et d’une hiérarchie globalement conservatrice. La recherche évangélique des jeunes prêtres (et des moins jeunes). La détermination des pradosiens -encore peu nombreux- à faire vivre et à proposer la grâce du Père Chevrier. Sans oublier l’amitié qui me liait aux premiers pradosiens espagnols, en particulier Felipe Alia. J’ai donc accepté.
Après six semaines d’apprentissage intensif de la langue à Madrid, Antonio Bravo m’y rejoignait. Il nous fallut d’abord choisir un quartier, trouver un logement et l’aménager. L’aménagement se fera progressivement. La vaisselle est restée plusieurs semaines sur le sol et les vêtements dans les valises - sans que cela crée de vrais problèmes. Nous étions tous motivés. Nous étions une dizaine.
Les premiers participants étaient très représentatifs de la situation de l’Église d’Espagne à ce moment-là. Certains, déjà prêtres depuis quelques années, venaient dans la perspective d’un engagement au Prado. D’autres, diacres ou séminaristes ayant terminé leur formation, venaient dans une démarche de recherche. Les uns hésitaient à demander l’ordination en raison du contexte conservateur et disciplinaire du diocèse. D’autres, décidés à devenir prêtres, étaient jugés trop critiques pour que leur évêque les appelle. Les uns et les autres demeuraient dans l’expectative. « L’année pradosienne » leur offrait l’opportunité d’un temps de réflexion dans l’esprit de l’Évangile. De fait, l’ « année » leur a permis de prendre une décision dans la sérénité et la foi.