Il y a 40 ans, la campagne MUSORSTOM avait comme objectif la recherche d’un « fossile vivant » : Neoglyphea inopinata, un crustacé attribué à une lignée que l’on croyait éteinte depuis 50 millions d’années. Le terme « fossile vivant » véhicule l’idée que les profondeurs sont un frigo de l’évolution. L’idée est retrouvée lors de la découverte des sources hydrothermales perçues comme une fenêtre sur l’origine de la vie.
En 1976 l'Office de la Recherche Scientifique et Technique d'Outre-Mer (ORSTOM) affecte à Nouméa son chalutier de recherche, le Vauban. Sur la route depuis Marseille, le navire fait un crochet par les Philippines pour une campagne océanographique de 10 jours à la recherche d'un crustacé « fossile vivant ». Le 22 mars 1976, le Vauban retrouve Neoglyphea inopinata exactement à l'endroit où l'Albatross avait collecté le premier spécimen, en 1908 ! Cette redécouverte spectaculaire s'accompagne d'une moisson d'échantillons dans tous les groupes zoologiques. Jacques Forest et Alain Crosnier, promoteurs de cette « campagne Musorstom », s'entourent d'un réseau d'experts pour les décrire, les publier : c'est l'acte de naissance des « campagne Musorstom », devenues en 1999 Tropical Deep-Sea Benthos. En 40 ans, ce programme a réalisé près de 5 000 opérations de dragages et chalutages dans l'une des dernières frontières de l'exploration de la biodiversité : le domaine bathyal des grandes îles tropicales. Nous reviendrons sur l’histoire de cette formidable aventure et sur l’évolution de la perception de la vie dans les grands fonds.
Par Sarah Samadi
Professeur, responsable de l’équipe Exploration, Espèces et Evolution
Muséum national d'Histoire naturelle
Sophie Bary
Doctorante à l’école doctorale Frontières du vivant, sous la direction de Sarah Samadi (UMR 7138, ISYEB) et d’Anouk Barberousse, philosophe des sciences à l’Université Paris 4
Muséum national d'Histoire naturelle et université de Paris 4