Pour tout savoir sur le Cannabis Médical :
http://www.cannamed.fr/
Des experts en santé déplorent que la marijuana médicinale ne soit toujours pas couverte par les régimes d'assurance. Alors que le gouvernement Trudeau étudie la légalisation de la marijuana, ils dénoncent le peu de place accordée aux malades et à leurs problèmes financiers.
Conrad, 49 ans (il a préféré taire son nom de famille), est convaincu que le cannabis médicinal lui a sauvé la vie.
Il y a cinq ans, il a reçu un diagnostic de maladie de Crohn, qui s'attaque au système digestif. Il souffre de douleurs abdominales atroces et son corps est incapable d'absorber tous les éléments nutritifs.
Dans son cas, les médicaments conventionnels aggravent son état. Conrad a notamment dû prendre des médicaments immunosuppresseurs.
« On est plus fragile à la grippe, au rhume, aux maladies de peau », résume Conrad. « L'autre médicament qu'on préconise quand les autres ne fonctionnent pas, c'est la prednisone [NDLR : un corticostéroïde] à forte dose. [...] La cortisone a une liste hallucinante d'effets secondaires. Ça rend acariâtre, ça rend colérique, ça affecte les tissus mous. Moi, ça m'a bousillé le corps. »
Un médecin lui conseille alors le cannabis médicinal. « Aujourd'hui, je ne prends que du cannabis médicinal pour réguler mes problèmes de santé et ça fonctionne bien », affirme Conrad.
Conrad était gestionnaire d'une chaîne de restauration quand la maladie l'a frappé. Comme bien des personnes aux prises avec une maladie chronique, il a dû quitter son emploi.
Le cannabis dont il a besoin coûte 450 $ par mois. Mais ce traitement n'est pas reconnu officiellement comme un médicament et les régimes publics et privés d'assurances ne le couvrent pas.
« Au plus fort de ma crise, je me demandais : "Est-ce que je vais avoir assez d'argent?" J'ai même emprunté de l'argent auprès de mes parents, imaginez à mon âge, pour pouvoir payer le cannabis dont j'avais besoin », souligne-t-il.
Conrad a été contraint de faire des choix, qui ont eu des répercussions sur sa santé.
« J'ai choisi [une variété de] cannabis qui me coûtait trois fois moins cher et qui est moins efficace sur moi », précise-t-il.
Le docteur Michael Dworkind, directeur médical de la clinique Santé Cannabis à Montréal, déplore de son côté que le cannabis médicinal ne soit toujours pas couvert par les régimes d'assurance, plus de quinze ans après sa légalisation comme traitement au Canada.
« C'est vraiment une question de manger ou de payer pour ses traitements », estime-t-il. « Il y a des patients qu'on voit qui sont dans cet état difficile. »
Le Dr Dworkind, dont la clinique compte 400 patients de partout au Québec, trouve qu'on parle bien peu des besoins des malades dans les discussions en vue de légaliser la marijuana.
Selon lui, le remboursement du cannabis médicinal est fondamental : les personnes souffrantes ne devraient pas payer quand elles n'ont pas l'argent pour le faire.
Le gouvernement Trudeau a mis sur pied un groupe de travail pour le conseiller sur la légalisation de la marijuana. Il compte neuf membres, dont des médecins, des avocats et des policiers, mais aucun patient.
Ce groupe a produit un premier document de discussion, qui a servi de point de départ à une consultation publique en ligne. Or, la question des coûts du cannabis médicinal ne figure pas dans ce document.
Même si le gouvernement Trudeau légalise la marijuana, les malades comme Conrad ne pourront pas nécessairement se la payer.
D'autres experts en la matière, à qui nous avons parlé, mais qui ont préféré garder l'anonymat, abondent dans le même sens.
Le groupe de travail sur la légalisation de la marijuana doit remettre son rapport au gouvernement Trudeau en novembre. Le gouvernement entend déposer son projet de loi au printemps 2017.
Au bureau de la ministre de la Santé, Jane Philpott, on répond que le gouvernement Trudeau est déterminé à offrir un accès raisonnable au cannabis médicinal, tout en protégeant la santé et la sécurité des Canadiens.
Son attaché de presse, Andrew MacKendrick, ajoute que depuis le 24 août, les malades qui en ont l'autorisation peuvent aussi faire pousser du cannabis médicinal à la maison, ce qui constitue un moyen plus économique.
Mais selon les patients, c'est aussi beaucoup plus compliqué que de l'acheter et le remboursement du cannabis médicinal demeure essentiel.
Il existe pourtant des précédents quant au remboursement du cannabis médicinal. Par exemple, même s'il n'est pas un médicament reconnu officiellement par Santé Canada, le gouvernement fédéral en rembourse les frais pour les anciens combattants.
Au Québec, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité (CNESST) rembourse elle aussi la marijuana à des fins médicales lorsqu'elle est prescrite par le médecin, qui suit un travailleur ayant subi une lésion professionnelle, et lorsqu'elle est achetée chez les producteurs autorisés.