Après Daniel Cohn-Bendit au "Grand journal" de Canal Plus, Stéphane Guillon sur Twitter a eu raison d’incendier "Les Guignols" pour leur sketch grossier et sulfureux sur les Le Pen. Thierry de Cabarrus a lui aussi été choqué par cette saynète lamentable. Selon lui, ce nouveau bad buzz pourrait bien être le dernier.
Pour une fois qu’on reparle des "Guignols" depuis leur retour en décembre dernier, c’est carrément en mal ! Ce bouche à oreille meurtrier a été initié par Daniel Cohn-Bendit et Philippe Sollers, témoins navrés du sketch "beur-feuj-negro" consacré aux marionnettes des Le Pen et diffusé en clair pendant l’émission "Le Grand journal".
Puis le bad buzz a pris des proportions phénoménales après que l’humoriste Stéphane Guillon en a remis une couche sur Twitter pour exprimer lui aussi son insatisfaction devant tant de grossièreté facile : au "c’est con !" de Dany le rouge, il a ajouté son sentiment de "honte absolue".
S’agit-il d’un triste mais simple dérapage ou bien d’une tentative cynique et désespérée pour exister de la part des marionnettes de Canal Plus en pleine panique, alors que jamais les audiences n’ont été aussi basses ?
Derrière l’outrance, la complaisance ?
Il ne faudrait pas croire que, dans un même élan de colère, Daniel Cohn-Bendit, l’ex trublion de mai 68 et Stéphane Guillon, la mouche du coche de "Salut les Terriens", voleraient au secours du clan Le Pen et du Front national qui auraient été épinglés à tort par les méchants auteurs des "Guignols".
Non, c’est juste de la grossièreté qu’ils se plaignent, et de la bêtise d’un sketch balancé à contre temps, qui fleure bon les années Jean-Marie Le Pen et sent le Dieudonné à plein nez en se vautrant dans des clichés bien dégueulasses (le juif, le beur et le black).
Des clichés si crades même, qu’on peut se demander si, au-delà de la facilité qui consiste à "faire consensuel", il n’y aurait pas derrière tant d’outrance on ne sait quelle complaisance à stigmatiser non pas le FN, mais le feuj, le beur, le black dans une France plus que jamais ouverte aux idées rances, au repli sur soi et en quête d’identité.
Personnellement, cette scène qui se voulait peut-être une caricature dans la caricature m’a paru dangereuse car vraiment trop grasse et premier degré, au point de me rappeler "Le Bébête show" de TF1 dans les années 1980, cette émission soi-disant drôle et satirique qui devait faire la gloire du tristement célèbre Jean Roucas.
Une audience divisée par trois : C’est d’autant plus paradoxal que "Les Guignols de l’info" sont nés à l’automne 1990 de la volonté de ne pas faire dans le-gros-rouge-qui-tâche, et en recrutant de vrais auteurs de talent pour la télévision.
Or, depuis la reprise en main de Canal Plus par Vincent Bolloré, l’émission "Les Guignols", jugée sans doute trop subversive, voire trop "à gauche" avant la présidentielle de 2017, a été maltraitée au point de revenir sans ses qualités de subversion et d’humour intelligent.
Elle a d’abord été mise carrément au placard, avant de revenir sous la pression des médias, cessant d’être diffusée en clair pour être réservée aux abonnés de la chaîne.
Un enterrement de première classe parachevé par le licenciement de tous les auteurs et leur remplacement par une nouvelle équipe qui, à l’évidence, n’a toujours pas trouvé ses marques.
On n’insistera pas sur les chiffres de l’audience, passé de près de 2 millions de téléspectateurs (8% de part de marché) à trois fois moins, soit 600.000 en moyenne. Une vraie catastrophe d’autant que la chaîne web Dailymotion (propriété de Canal Plus), qui diffuse les programmes, ne réunit guère plus de 25.000 internautes chaque soir.
La version raciste du "pierre-ciseau-papier"
Est-ce pour cette raison, et pour éviter une mort annoncée que "Les Guignols" tentent aujourd’hui le tout pour le tout ? Veulent-ils en finir avec le ton un peu trop fade qui fait désormais la marque de cette émission aujourd’hui consensuelle et familiale ?
Espèrent-ils retrouver un nouveau public, en renouant avec le bon vieux temps des buzz de la première version, celle des Benoît Delépine et Bruno Gaccio ?
Pas sûr, en tout cas qu’ils aient choisi la bonne méthode en diffusant ce sketch lamentable de grossièreté qui aura fait l’unanimité contre lui.
Comment, en effet, imaginer que proposer une version "hard" et raciste de "pierre-ciseau-papier" ("beur-feuj-negro"), même assumée par les marionnettes des leaders du FN, allaient déclencher un rire léger dans une société en crise d’identité ?
À l’évidence, en ce moment, on ne peut pas rire de tout et surtout pas avec n’importe qui, notamment avec les Le Pen, fussent-ils en marionnettes. Il me semble d'ailleurs que c’est heureux, en ces temps où la société française (et les hommes politiques de tout bord qui les représentent) s’interroge, sérieusement semble-t-il, sur son identité.