Quatre mois après la fermeture de l'abattoir d'Alès à la suite de la diffusion d'images choc, l'association L214 a mis en ligne une nouvelle vidéo montrant une maltraitance animale et un non-respect des normes au sein de l'abattoir du Vigan. L'établissement est pourtant certifié par le label européen Ecocert.
Les images se ressemblent tristement. Un peu plus de quatre mois après le scandale né des vidéos tournées dans l'abattoir d'Alès, un autre établissement du Gard fait l'objet d'un document choc de l'association de défense des animaux L214. Des scènes enregistrées dans l'abattoir du Vigan, à une cinquantaine de kilomètres d'Alès, et diffusées mardi, donnent à voir des sévices et manquements similaires: animaux violentés, mal étourdis, saignées déclenchées alors que l'la bête est consciente, non-respect apparent des normes d'hygiène, mais aussi cruauté gratuite.
Les images ont été obtenues de la même façon qu'à Alès: une personne ayant accès à l'abattoir a contacté l'association et a posé des caméras fixes, précise au Figaro le porte-parole Sébastien Arsac, qui explique par le hasard le fait que l'abattoir se situe également dans le département du Gard. Des images ont été captées entre mai 2015 et février 2016, de façon discontinue. La méthode, éprouvée, donne une compilation accablante pour l'établissement: comme à Alès, on constate que les bêtes ne sont pas étourdies avant d'être saignées, qu'il s'agisse d'ovins, de porcs ou de bovins. Le matériel n'est pas adapté à la taille des animaux, rendant les actions d'étourdissement inefficaces.
Outre ce non-respect des normes, la cruauté visant les animaux est frappante. Un employé de l'abattoir est débordé par le troupeau d'ovins terrorisé qui refuse d'avancer dans le couloir le menant à la chaîne d'abattage. Exaspéré par les demi-tours effectués par les bêtes, il décide de les jeter violemment contre le métal. Les moutons atterrissent les uns sur les autres, semblant blessés. Un peu plus loin, les images montrent les gestes de violence gratuites perpétrés par un employé chargé d'étourdir les animaux avec une décharge électrique. Il place la pince contre la tête du mouton, visiblement pour amuser son collègue. Un cochon la reçoit quant à lui plusieurs secondes d'affilée, jusqu'à ce que de la fumée apparaisse, sans qu'il ne finisse à aucun moment étourdi.
Un abattoir certifié «biologique» par un label européen !
Ces conditions de production semblent ainsi être absolument contrevenantes aux règles sanitaires et de protection des animaux en vigueur. «Il semble y avoir eu des fautes professionnelles. Si elles sont avérées, nous devrons agir en conséquence», a reconnu auprès du Monde Laurent Kauffmann, le directeur de l'abattoir, contacté avant d'avoir pu visionner les vidéos.
Pourtant, l'abattoir du Vigan est une petite structure locale, récemment rénovée et bien moins industrielle que l'abattoir d'Alès: seulement 240 tonnes de viande y sont produites par an, contre 5000 à Alès, et deux équivalents temps-plein y sont employés. Il est toutefois multi-espèces (ovins, bovins, porcins).
L'association L214 souligne par ailleurs que l'établissement est certifié «bio» par le label européen Ecocert. Ce label, qui s'applique à des productions issues de l'agriculture biologique, impose toutefois très peu de contraintes en ce qui concerne le mode d'abattage. Il exclut seulement les calmants ou stimulants électriques pour faire avancer les bêtes à leur arrivée et établit des règles sur leur alimentation, leur regroupement et leur temps d'acheminement à l'abattoir.
Enquête préliminaire ouverte : L214 a indiqué avoir porté plainte auprès du parquet d'Alès concernant les infractions à la réglementation européennes et pour «sévices graves» infligées aux animaux. L'association propose en parallèle un formulaire pour interpeller les députés et renvoie vers une pétition lancée il y a plusieurs mois demandant la création d'une commission d'enquête sur les abattoirs. Elle envisage également d'écrire au label Ecocert et à la Commission européenne.
Le procureur de la République d'Alès a par la suite annoncé l'ouverture d'une enquête préliminaire «afin de vérifier les éléments contenus dans cette plainte». Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, «condamne avec la plus grande fermeté ces pratiques intolérables et a immédiatement diligenté une enquête de la Brigade nationale d'enquête vétérinaire et phytosanitaire», a par ailleurs fait savoir le ministère.