"L’Âge d’or de Jean-Luc Godard" est la compression des 15 premiers longs-métrages de Jean-Luc Godard réalisés de 1960 à 1967. Chaque film, réduit de 25 fois sa durée initiale, dure aux alentours de 4 minutes.
"L’Âge d’or de Jean-Luc Godard" est « compressé » à la manière d’une œuvre plastique d’Arman ou de César. Mais à la différence du travail de ces artistes qui compressaient des objets usuels, "L’Âge d’or de Jean-Luc Godard" réduit des objets purement artistiques.
Le tour de force et le pari de "L’Âge d’or de Jean-Luc Godard" a été de fabriquer une compression totale : dans cette anthologie consacrée à Jean-Luc Godard il ne manque pas un seul plan des films originaux !
Liste des films compressés de Jean-Luc Godard :
"À bout de souffle" (1960)
"Le Petit soldat" (1960)
"Une femme est une femme" (1961)
"Vivre sa vie" (1962)
"Les Carabiniers" (1963)
"Le Mépris" (1963)
"Bande à part" (1964)
"Une femme mariée" (1964)
"Alphaville" (1965)
"Pierrot le fou" (1965)
"Masculin féminin" (1966)
"2 ou 3 choses que je sais d'elle" (1966)
"Made in USA" (1966)
"La Chinoise" (1967)
"Week-end" (1967)
DILATATION ET CONDENSATION (à propos de "Compression de À bout de souffle")
Dans la série des "Compressions", initiée en 1995, Gérard Courant ne s’intéresse plus à l’artiste mais à l’œuvre, qui devient un objet et un signe culturel au même titre que les produits de la société de consommation compressés par les Nouveaux Réalistes. Avec le sentiment d’appartenir à une cinéphilie en train de disparaître, qui a découvert le cinéma dans les années 1960 avant que ne déferle le flot d’images et de médias, quand il était encore possible d’en avoir une vision synthétique, il entend revisiter les classiques sous forme de digests, condensés, réduits, mais sans qu’il ne manque un seul plan.
Commencée en 1965 par "Alphaville" de Jean-Luc Godard, créé trente ans plus tôt, la série des "Compressions" se poursuit avec "À bout de souffle", le film qui, aux côtés des "Quatre cents coups" de François Truffaut, signa l’acte de naissance de la Nouvelle Vague en 1959. En isolant et en montrant bout à bout une image par seconde de film, Gérard Courant livre une compression de procédé rationnel et systématique, à contre-courant de la perception subjective du film par le spectateur, de « l’expérience esthétique ».
La réduction d’"À bout de souffle" éloigne l’œuvre de la forme sous laquelle elle persiste dans les mémoires individuelle et collective, qui tendent à isoler quelques images iconiques comme autant de vignettes métonymiques (Patricia/Jean Seberg vendant le Herald Tribunes sur les Champs-Élysées, par exemple) et à dilater la durée de certains passages pour en condenser d’autres. Mettant en évidence la structure de l’œuvre initiale, la compression, dépouillée de tout affect, la donne à voir autrement.
(Judith Revault d’Allonnes, catalogue Chefs-d’œuvre ?, Centre Pompidou-Metz, mai 2010)