Tremblant, dans une pose animale, le muscle sale, il répéta son geste et la masse atteignit le burin. L’acier déchira la pierre qui cracha sa semence. Dans cette lutte à la mémoire des hommes, le sculpteur avait l’instinct du tueur, mais déjà ses yeux blancs traçaient les signes humides d’un combat perdu d’avance, laissant au passage des plaies ouvertes sur son corps et sur ses mains.
La forme, malgré ses larmes, grandissait en témoin de la détresse humaine, et vivait de la quête et des désirs du vieux. Jour après jour, sanglante et immobile, elle rendait au centuple l’arrogance et l’envie, et lui crachait, superbe, quelques fleurs de marbre.
Brûlant son désespoir au dépotoir du temps, le sculpteur aux yeux vides se retint de crier et répéta son geste. Jusqu’à devenir pierre, jusqu’à la dernière veine, jusqu’au socle de fonte sur lequel il régnait et qui le statufiait, jeune encore, sans une ride et sauvage, un burin dans une main et un marteau dans l’autre.
Immobile et sans vie le vieillard se fixait sans comprendre, hébété de se voir. Malade de ce miroir qui terminait sa quête, il regarda sans bruit le burin se lever et la masse s’abattre.