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Philippe Lobgeois - L'Île des morts - "Vergé"

2015-04-08 62

Vergé

Sans se poser, fébrile, le crayon parcourt la feuille. Il
cherche le centre, esquisse une courbe, change d’axe,
hésite, repart… enfin, il trouve, se pose, et devient burin.
Ce soir le papier a peur : il sait.

Le trait se fait plus vif, les pleins et les déliés se disputent
la lumière sur les formes qui surgissent, la main prend
garde de ne pas contrarier l’espace, le crayon creuse
la feuille, caresse le grain, frappe à nouveau, et le
papier hurle.

La main va trop vite, le cœur bat trop fort, la mine est
trop fine, et le trait trop précis ; ce soir la lutte est inégale,
la feuille livre ses secrets, brûle ses derniers feux, et y
laisse la peau.
Le dessin n’est pas terminé, mais le papier n’a plus peur ;
il sait.

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