Témoignage n° 6, lu par Fabienne Carat

2015-03-30 35

Attention ce témoignage parle de violences sexuelles, il peut heurter la sensibilité de certains spectateurs.

Lectrice :
Fabienne CARAT

Réalisation : Catherine Zavlav et Cécile Nicouleaud
Image : Vincent Tulli
Assistante mise en scène : Sandra Moreno
Montage : Cécile Nicouleaud
Musique : Malik Ati
Mixage : VTP
Maquillage Marine Girondeau
Photos : Jérôme Godgrand
Régie : Tanya Artioli
Infographie : Christine Bruneteau
Etalonnage Cécile Nicouleaud

texte du témoignage :

Témoignage n°6, lu par Fabienne Carat

« Il s’appelait Jean-Baptiste et il était mon grand-père maternel.
Il était né, probablement, aux alentours de 1890, dans un petit hameau de Haute-Loire, tout près de La Chaise Dieu.
Ses parents étaient des paysans pauvres qui élevaient difficilement leurs cinq enfants. Aux alentours de 1906, alors qu’il avait seize ans, il aurait été violé, alors qu’il effectuait son travail de berger.
Du viol en lui-même, nous ne savons pas grand chose, sauf qu’il en a porté lui et sa famille, le poids tout au long d’une vie qui fut longue, puisqu’il mourut en 1982, à plus de 90 ans.
Ma tante, sa fille, n’a appris ce terrible événement que quelques semaines avant sa mort. En effet, au cours de ses derniers moments, il délirait sur un évènement tragique de sa vie en poussant des cris terribles qui effrayaient ceux qui le soignaient. Ce qui a été le plus terrifiant pour ma tante, c’est qu’il revivait avec une grande douleur, un viol subi pendant qu’il était berger.
Bien évidemment, personne dans la famille, n’avait jamais entendu parler de cet événement tragique si courant à la campagne. « La Terre » de Zola n’est-il pas le livre où s’exprime une incroyable violence notamment sexuelle entre les personnages ?
Il est fort probable aussi que son bourreau étant un homme du village, peut-être même quelqu’un de sa propre famille, il l’a probablement revu régulièrement pendant une partie de sa vie.
Ce qui m’importe dans ce témoignage, c’est de montrer que le viol a été à l’origine de comportements violents chez cet homme tout au long de sa vie. De nature très austère, et sombre, il ne riait pratiquement jamais et se montrait avec tous, d’une grande dureté, même si, sans aucun doute, il nous aimait énormément. Ses crises de violences uniquement verbales, car il ne nous a jamais touché, ni nous ni les animaux de la ferme, surgissaient à propos de n’importe quoi et nous vivions tous sur le qui-vive en permanence, tant nous redoutions ces crises où il insultait son épouse, ses filles et dans une moindre mesure, ses petits-enfants. Ses propos parfois, pouvaient devenir terriblement grossiers, alors qu’en temps normal, c’était un homme bien éduqué. Il ne supportait pas à la télévision, la moindre scène de guerre ou de violence…
Notre enfance a été en partie gâchée par toute cette violence qui sourdait de lui et qui nous faisait redouter sa présence. »