1/Le président algérien a finalement décidé d’envoyer l’armée pour calmer le jeu dans le sud du pays où depuis deux mois les opposants à un grand projet d’exploitation de gaz de schiste se mobilisent pour protéger l’environnement et dénoncer un gouvernement qui peine à affronter la baisse des cours du pétrole.
Jusqu’à présent les manifestations ne s’étaient déployées qu’à In Salah, à 1500 km au sud d’Alger mais depuis la fin février, les opposants au gaz de schiste ont trouvé des relais dans la capitale algérienne. Il faut dire que cette mobilisation qui était au départ menée par la société civile et les partisans de l’écologie est désormais devenue politique. Ce n’est plus seulement la technique de la fracture hydraulique qui est en cause, puisqu’elle reviendrait à puiser des milliers de tonnes d’eau dans une région qui en manque déjà et que le risque de pollution des nappes phréatiques et réel, mais la politique énergétique du gouvernement. Abdelaziz Bouteflika, lui-même, a proclamé que le gaz de schiste était un don de Dieu et qu’il y avait donc une nécessité de l’exploiter pour contribuer à la production nationale de pétrole et de gaz dont l’Algérie tire ses recettes à 97%. Pour l’opposition, l’Algérie devrait au contraire affronter la baisse des prix du pétrole en en profitant pour développer les énergies renouvelables, notamment le solaire, surtout dans ce sud algérien qui en bénéficie en abondance.
2/Mais le gouvernement algérien ne veut pas reculer dans cette crise. Pour des raisons politiques peut-être afin de ne pas céder à la pression populaire, mais surtout pour des raisons financières et diplomatiques.
Il en va en effet de la coopération intense de la société nationale Sonatrach avec ses nombreux partenaires étrangers. Américains, avec la fameuse société américaine Halliburton, mais aussi français. Les groupes Total et GDF Suez sont en effet des plus intéressés à expérimenter la technique du gaz de schiste en Algérie puisque cela n’est toujours pas permis en France. La plupart de ces grands groupes ont des intérêts majeurs en Algérie, on l’a vu au moment de la prise d’otages menée par les djihadistes liés à Al-Qaida sur le site gazier d’In Amenas en 2013. On le voit, toucher au pétrole et au gaz en Algérie est une affaire aussi de sécurité nationale pour un pouvoir souvent accusé de corruption compte tenu des recettes colossales que cette industrie génère. Un procès impliquant d’anciens dirigeants de la Sonatrach doit justement s’ouvrir à la mi-mars à Alger.
3/Ce bras de fer sur le gaz de schiste n’est donc pas prêt de faiblir. Il permet à l’opposition de continuer à dénoncer le président, affaibli physiquement, mais qui veut garder la main sur une rente pétrolière, la seule source de revenus capable d’acheter la paix sociale lorsque l’opinion est en colère.