Béji Caïd Essebsi, 88 ans, a pris mercredi ses fonctions de président de la Tunisie, devenant le premier chef de l’Etat élu démocratiquement de l’histoire du pays, quatre ans après la révolution qui déclencha le Printemps arabe.
Dans un bref discours après avoir prêté serment devant le Parlement, le nouveau chef de l’Etat a promis d’“être le président de tous les Tunisiens et Tunisiennes”, appelant au “consensus entre les partis politiques et les composantes de la société civile”.
“Il n’y a pas d’avenir pour la Tunisie sans la réconciliation nationale”, a-t-il ajouté, alors que nombre de ses détracteurs et acteurs de la révolution de 2011 s’inquiètent de la présence d’anciens cadres du parti du président déchu Zine El Abidine Ben Ali parmi ses proches.
M. Caïd Essebsi a remporté le 21 décembre avec quelque 55% des voix le deuxième tour de la présidentielle face au président Moncef Marzouki.
Les deux hommes se sont retrouvés en fin de matinée au palais présidentiel de Carthage pour une cérémonie de passation. Souriants, ils se sont embrassés devant les caméras de télévision. Quelques instants après, M. Marzouki a quitté la présidence.
Béji Caïd Essebsi est ainsi devenu le premier chef de l’Etat démocratiquement élu. Avant lui, le père de l’indépendance, Habib Bourguiba, et Ben Ali avaient recours au plébiscite et à des élections truquées. M. Marzouki a pour sa part été élu par une Constituante, à la faveur d’un accord politique avec les islamistes d’Ennahda.
M. Caïd Essebsi est un vétéran de la politique tunisienne ayant servi comme ministre sous le régime autoritaire de Bourguiba puis, brièvement, comme président du Parlement de Zine El Abidine Ben Ali, avant de se mettre en retrait de la vie publique.
Il est revenu sur le devant de la scène à la faveur de la révolution, prenant quelques mois la tête du gouvernement pour organiser les élections de la Constituante remportées par Ennahda.
Durant les trois années suivantes, il a construit son parti Nidaa Tounès, une formation constituée de multiples courants dont des représentants du régime déchu, et s’est imposé comme le principal opposant aux islamistes qu’il accuse d’avoir conduit la Tunisie au bord du précipice.
L’une des premières tâches du nouveau président sera de charger sa formation politique de constituer un gouvernement avec un Premier ministre à même d’obtenir une majorité au Parlement, son parti ayant remporté les législatives en octobre mais ne disposant pas de majorité absolue avec 86 sièges sur 217.
Il devra pour cela notamment composer tant bien que mal avec Ennahda (69 députés), deuxième parti du Parlement, et contre qui il a fait campagne avec virulence. Les 62 autres sièges reviennent à une multitude de partis allant de l’extrême gauche au centre droit.
Les nouvelles autorités sont très attendues sur le terrain de l‘économie, le chômage et la misère à l’origine de la révolution restant endémiques. “Il est de notre devoir de remédier aux problèmes socio-économiques (...), de réaliser les promesses de la révolution: dignité, emploi, santé et équilibre entre les régions”, a d’ailleurs souligné M. Essebsi.
“On a prouvé que la démocratie est compatible avec la culture arabo-musulmane, il faut maintenant apporter la preuve que cette démocratie là est convertible en opportunités économiques et en prospérité”, relève à ce titre le journal La Presse dans son éditorial mercredi.
Autre défi, le gouvernement devra répondre à la menace jihadiste, alors que des dizaines de militaires et deux figures politiques anti-islamistes ont été tués depuis 2011. Il sera d’autant plus attendu sur ce terrain que M. Caïd Essebsi n’a eu cesse d’accuser Ennahda et son prédécesseur de laxisme en la matière.
Enfin, nombre d’acteurs de la société civile ont prévenu qu’ils resteraient vigilants pour éviter un retour aux dérives autoritaires du passé.
“Toutes les péripéties de l’Histoire des 40 dernières années montrent l’importance du respect des droits de l’Homme (...) que de sang, que de prisonniers et que de souvenirs de tortures”, relève le journal le Temps avant de lancer “pas question d’un retour en arrière en matière de respect des libertés et des droits humains. L’alternance politique pacifique est devenue une tradition”.