P'tit jardin sus l'ventre

2007-03-19 38

Histoire des tranchées Il pose fièrement comme des milliers d’entre eux ont posé, un léger sourire aux lèvres. La casquette est inclinée, les pans de la capote relevés, derrière lui une toile peinte représentant un paysage, concentré allégorique de la mère patrie. L’exaltation patriotique, la surcharge émotionnelle qui se dégagent de la photo prêteraient presque à rire. Presque. On sait ce que fut cette boucherie, au moins en termes de chiffres et, à la vue de ce cliché, une question s’impose : en est-il revenu et, si oui, dans quel état ? Alors, lorsqu’il apparaît en chair et en os devant nous, le même sourire aux lèvres, on est presque soulagé. Au début, il n’en parle pas de la guerre. Il nous parle de cet homme sur la photo et, apparemment ce n’est pas lui, c’est un autre. Peut-être un aïeul, en tout cas il le connaît bien. La ressemblance pourtant est troublante, comme est troublante l’identité du personnage. Il commence à parler… L’homme se fait conteur, un conteur singulier, dont les récits et les portraits drolatiques et mystérieux s’inscrivent au milieu de l’enfer. À sa manière, avec une rage contenue, il écrit son histoire des tranchées, à l’écart du pathos et de l’hagiographie de mise, au plus près de l’humain. Son humour scandaleux est à la hauteur de l’absurdité de ce qui devait être « la der des der »… Il semble qu’il ait fait sien le principe fondateur d’un « canard » né avec la guerre et qui deviendra célèbre : « Quand je vois quelque chose de scandaleux, mon premier mouvement est de m’indigner, mon second mouvement est de rire, c’est plus difficile mais plus efficace ».