Congo : L'assassinat de Patrice Emery Lumumba (1925-1961)

2013-06-30 28

Les aveux du meurtre de Patrice Lumumba
"J’ai découpé et dissous dans l’acide le corps de Lumumba"
BRUGES, 15 mai (AFP) - Près de 40 ans après l’assassinat de Patrice Lumumba, le Belge Gerard Soete vient enfin de se défaire d’un lourd secret : une nuit de janvier 1961, dans une puanteur d’acide sulfurique et de cadavres écartelés, il fit disparaître le corps du martyr congolais.
"Est-ce que la législation me le permettait ?", se demande-t-il aujourd’hui, à 80 ans et en bonne santé, dans son pavillon d’un faubourg résidentiel de Bruges (nord-ouest) où l’AFP l’a rencontré.
"Pour sauver des milliers de personnes et maintenir le calme dans une situation explosive, je pense que nous avons bien fait", ajoute-t-il, en dépit de "la crise morale" qu’il doit avoir traversée après cette nuit "atroce".
Le 17 janvier 1961, sept mois après l’accession du Congo à l’indépendance, Patrice Lumumba, le premier chef de gouvernement du pays, était assassiné près d’Elisabethville (actuellement Lubumbashi, sud), capitale de la province alors sécessionniste du Katanga.
Criblé de balles, son corps n’a jamais été retrouvé, pas plus que ceux de deux proches tués avec lui, Joseph Okito et Maurice Mpolo.
Selon l’auteur, le but de l’élimination était, en pleine guerre froide, de maintenir le Congo dans la sphère d’influence occidentale.
La thèse a connu un tel écho qu’une commission d’enquête parlementaire belge, chargée d’éclaircir "l’implication éventuelle des responsables politiques belges" dans l’assassinat, a entamé ses travaux le 2 mai.
Une commission qui auditionnera Gérard Soete.
Commissaire de police chargé à l’époque de mettre en place une "police nationale katangaise", le Brugeois dut d’abord transporter les trois corps à 220 km du lieu d’exécution, pour les enfouir derrière une termitière, en pleine savane boisée.
De retour à Elisabethville, il reçut cependant "l’ordre" du ministre de l’intérieur Katangais Godefroi Munongo de faire littéralement disparaître les cadavres.
La popularité de Lumumba était telle que son cadavre restait en effet gênant. Le "pèlerinage" sur sa tombe pouvait raviver la lutte de ses partisans.
"Petit Gérard Soete de Bruges, je devais me débrouiller tout seul avec trois corps internationalement connus", résume-t-il aujourd’hui. "Toutes les autorités belges étaient sur place, et elles ne m’ont pas dit de ne rien faire", ajoute-t-il, avec un fort accent flamand.
Accompagné d’"un autre blanc" et de quelques congolais, épuisés "d’une scie à métaux, de deux grandes dames-jeannes et d’un fut d’acide sulfurique", il leur fallut toute la nuit, du 22 au 23 janv, pour accomplir leur besogne.
"En pleine nuit africaine, nous avons commencé par nous saouler pour avoir du courage. On a écarté les corps. Le plus dur fut se les découper" avant de verser l’acide, explique l’octogénaire.
Il n’en restait presque plus rien, seules quelques dents. Et l’odeur ! Je me suis lavé trois fois et je me sentais toujours sale comme un barbare", ajouté-t-il.

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